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Une soirée de foot à la clando

Les structures de foot à 5, tant convoitées par les amoureux du football, subissent les frais du confinement automnal. La fermeture totale actée depuis le mois d’octobre et le couvre-feu quelque temps ont provoqué des pertes de chiffre d’affaires colossales. Mais la plupart des « Five » n’ont pas dit leur dernier mot, certains continuent à ouvrir de manière clandestine. Reportage.

Vendredi 20 Novembre, je décide d’aller voir ce qui se passe dans ces fameuses structures où l’on loue un terrain pour pouvoir jouer avec nos potes. Depuis quelques semaines, j’en ai beaucoup entendu parler. Il est vrai que ces structures connaissent un succès fou… Terrain fermé, synthétique dernier cri, des boissons pour l’après-match, c’est bien de jouer au football dans ces conditions, le tout pour 10 euros de l’heure par personne. Je prends ma voitures, et j’y vais. En arrivant, j’aperçois énormément de voitures garées. Je suis effaré par le nombre de voitures qui remplissent les trottoirs. Heureusement que c’est une zone industrielle et qu’il n’y a pas beaucoup de voisinage, sinon ce foot clandestin n’aurait pas fait que des heureux…

Après avoir tourné 15 minutes, j’arrive tout de même à trouver une place. Il fait nuit noire mais la température est plutôt bonne pour un mois de novembre. La grille principale est fermée, il faut l’entrouvrir pour pouvoir entrer. La première question que je me pose à ce moment, c’est : « Si une voiture de police passe au moment où je rentre, qu’est-ce qui se passe ? » Pas une lumière, pas un bruit, pas un chat. Là, je me pose une autre question : « Comment rentrer ? » Je fais le tour par la droite, rien, je fais le tour par la gauche, toujours rien. Je me dis que leur plan est vraiment bien ficelé.  Cinq minutes plus tard, je vois des personnes sortir par une petite porte. Claquettes-chaussettes, paire de chaussures à la main, soit le look typique des mecs qui viennent de jouer au five. Je rentre donc par cette même porte qui est entrouverte.

Et là, changement de décor. Du monde, de la musique, de la lumière, des rires, des accolades, une bonne ambiance quoi… Ici quatre terrains, tous sont occupés par des joueurs qui vraisemblablement prennent du plaisir. Sur le terrain 1, je reconnais des joueurs de la cité de Roissy qui affronte une cité de Champigny. Tandis que sur le terrain 2, je ne reconnais personne et les types n’avaient pas un niveau fameux. Bon, de toute manière je ne suis pas venu ici pour observer les qualités techniques des footeux.

Je vais donc à la rencontre du responsable pour lui poser quelques questions. Un pull à capuche noir, une barbe, une casquette, j’ignore son prénom et ne lui demande pas d’ailleurs. Il m’a l’air serein, calme et très souriant. Ici, tout le monde le connaît. Il ne se passe pas une minute sans qu’il ne soit interpellé. Il m’explique qu’il ouvre les portes à 17h pour fermer à 21h30 grand maximum la semaine, et de 10h à 21h le week-end. Avant chaque match, il envoie un texto au responsable de la réservation, qu’il doit ensuite transférer aux membres de son équipe, pour lui donner les directives : interdiction de stationner à l’intérieur, pas d’attroupement devant l’entrée de la structure, 10 euros par joueur à payer en liquide obligatoirement et les chasubles ne sont pas fournis ! L’organisation est huilée.

« C’est incroyable ce qu’ils nous font, on ne peut pas ouvrir. Je suis obligé d’ouvrir en mode clandestin sinon on coule. Macron veut notre mort, je ne vois pas autre chose… » dit le responsable, dépité. « On a beaucoup de charges, notre trésorerie est solide mais nous avons aussi beaucoup d’employés», ajoute-t-il. Mais alors, est-ce que cette stratégie illégale leur permet réellement de sauver les meubles financièrement ? « On se fait environ 2 000 euros tous les jours. C’est un peu moins que dans la normale mais c’est quand même vraiment pas mal. » Je peine à masquer ma surprise devant les montants qu’il arrive à collecter malgré tout.

Puis je lui demande comment ça se passe avec la police. Réponse: « La police s’en fout. Ils sont passés plusieurs fois devant l’enceinte, ils ont vu des gens sortir, ils ne disent rien. Pour te dire, ils viennent même jouer. Ils comprennent la situation, ils sont compréhensifs, et puis en soi, on ne fait rien de mal. » Incroyable. De gros yeux se dessinent sur mon visage lorsque j’entends ses mots. La police est donc complice et ne dit rien… Je réalise soudainement que les bonhommes du terrain 2 sont donc des agents des forces de l’ordre. Il poursuit en me disant que « beaucoup de structures ouvrent clandestinement, ils sont obligés. Et en plus, on en a pour un moment encore. Pas avant 2021 quoi. Nous avons été manifester plusieurs fois, nous n’avons pas été entendu ni écouté, c’est dommage … »

Entre autres, l’espace service n’est évidemment pas accessible : pas de douche, ni de bar… là aussi, le manque à gagner est important. Mais ici, pendant cette période, on joue et on rentre à la maison. On reste le moins longtemps possible dans les lieux. Après avoir fait un dernier petit tour d’horizon, je me demande déjà comment je vais faire pour sortir. Est-ce que la police va me voir, même si apparemment, elle s’en fiche ? Si elle me voit, est-ce qu’elle va me contrôler ? Je m’en vais donc en souhaitant au gérant bon courage. En sortant de la structure, pas un chat, je suis tout à coup serein. Sur le chemin, pensif, je suis partagé entre le soulagement par rapport au fait de savoir qu’il s’en sort de cette manière, et l’incompréhension de savoir qu’il y arrive sans avoir de problèmes.

Mohamed Bezzouaoui

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